MOSSBERG

C.A.C. 45-1 Combat Model, seule au monde ?

 Dans la catégorie des armes rarissimes, la palme peut certainement être attribuée au Luger en calibre .45. Trois exemplaires construits et deux seulement encore en circulation. D’autres armes sont, aussi peu communes, surtout quand elles se trouvent en parfait état de fonctionnement, les plus connues sont, peut être : Kolibri et Borchardt.

A notre connaissance, seulement une arme fit l’objet d’un projet finalisé, d’une campagne publicitaire mondiale, pour être finalement fabriquée en un seul exemplaire.

L'idée germe vers la fin des années septante, dans le laboratoire de Bo Clerke génial inventeur à qui l’on doit, entre autres, la conception de la munition 38/45 Safestop. Le projet vise, probablement à réaliser une arme militaire destinée à remplacer l'inébranlable Colt 1911A1.

En dépit de rumeurs qui annonçaient déjà l’orientation de l’armée vers le calibre 9mm Parabellum, nombreux constructeurs continuèrent à espérer que un calibre plus important aurait pu encore remporter la faveur de l’administration Américaine.

Notre inventeur et Mossberg ne furent pas les seuls à y croire, leur espoir fut largement partagé par beaucoup d’autres fabricants, y compris le grand Cooper avec sa malheureuse Bren-Ten.

D’après le peu d’informations disponibles, une première étude fut achevée en 1978 pour le compte de la CAC Corporation qui n’en fit apparemment pas usage. Quelques temps plus tard, le projet réapparaît entre les mains de A.I.G. Incorporated qui baptise l'arme avec le nom de "X-2 Combat.45 ", rien que ça ! 

Mossberg racheta en suite les droits commerciaux et la licence de fabrication. Un prototype "non fonctionning" de l'arme, marqué "AIG Military 45 ACP- Combat Model" avec le numéro de série 0001, fut présenté au "Shot-Show" en 1979. Sa description fit l'objet d'un court article de Ralph Glaze, qui parut sur "1979 Annual Product Review" édité par la note revue Guns & Ammo.

Un second prototype, est répertorié dans les registres Mossberg, il fut soumis à l’examen de l’armée et sombra dans l’oubli.

Mossberg avait certainement prévu une production à grande échelle parce que, dans son catalogue de 1980, l'arme est décrite et proposée au public au prix de 349,50 $. Nous notons, toutefois, que les deux photographies du catalogue illustrent des armes similaires mais pas identiques : sans numéro de série et équipées de plaquettes de poignée manifestement récupérées sur un Colt 1911.

Pour compliquer les choses, une autre arme, identique à celle illustrée sur Guns & Ammo et donc différente de celles photographiées dans le catalogue Mossberg, est illustrée à la page 219 de la revue annuelle Selearmi, 1980 (ed. Mondadori).

Aucune autre revue ne parle de cette arme mystérieuse et les seules traces existantes dans des sites spécialisés, comme GunsAmerica ou N.R.A., conduisent à quelques rare demande de renseignements émanant de collectionneurs à la recherche d’informations sur le fantomatique CAC 45 Combat Model.

Aussi soudainement qu’il avait fait son apparition, le pistolet Mossberg, disparut sans laisser des traces. Aucun exemplaire n’est répertorié dans les Musées et même la « Mossberg Collectors National Association » ne possédait que deux photos issues du catalogue de la firme.

Il est fort probable que l’initiative de Mossberg eut été contrariée par les réactions virulentes de Colt et Ruger qui se sentaient menacés sur leurs marchés traditionnels.

L’histoire de cet étrange pistolet aurait pu se terminer dans le mystère sans plus si un exemplaire n’eusse pas fait son apparition, fin des années 80, au banc d'épreuve d'Ulm.  Peu de temps après, il aboutit dans l’arrière boutique d’un armurier à Hestre, en Belgique.

A la faillite de ce dernier, en 1990, l'arme fut achetée par la société SL Armes  et revendue, en 1991 à la société MAN Entreprises de Bruxelles. Un expert en armes la reçut, enfin en payement pour la réparation d'un pistolet-mitrailleur Skorpion CZ61, en 1994.

Examinons maintenant l'arme avant qu’elle ne reprenne ses pérégrinations et disparaisse à nouveau.

La première impression qu’on en retire, pour banale que ça puisse paraître, est que ce pistolet "semble conçu pour tirer" ! Bien équilibré, compact, agressif et ergonomique.

L’ajustage général est très bien réalisé, aucun jeu n’est détectable et la finition dépasse le niveau d’une Gold Cup pour ressembler d’avantage à celle d’une P210.

Les marquages sont nets, profonds et propres.

- sur le côté droit de la carcasse: CAC CARSON. CA 1025

- sur le côté gauche de la glissière: CAC  45-1 COMBAT MODEL

- les poinçons du banc allemand sont estampillés : sur le canon, la glissière et le fut (il est à noter que le chiffre 77 est estampillé avant le poinçon d'Ulm. S’il se réfère à l'année, nous sommes confrontés à un autre mystère parce que l'arme fut présentée, aux USA, seulement en 1979 et encore avec la dénomination commerciale de X-2!)

- un dernier marquage PBP, ou R3P, est poinçonné sur le bas du pontet, nous en ignorons la signification.

Le pistolet est entièrement fabriqué en acier inoxydable, le fut a un aspect qui rappelle la micro fusion, tandis que la glissière est manifestement usinée à partir d’un seul bloc.

Les parties supérieure et postérieure de la glissière sont finement satinées pour éviter les reflets, tandis que les faces latérales sont polies miroir sans le moindre défaut. L’intérieur et l’extérieur, ainsi que les parties mécaniques, sont bien usinés, avec des surfaces bien ajustées, sans arêtes coupantes et sans bavures. Le canon est un miroir, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur.

L’assemblage des parties mobiles est fait avec des goupilles élastiques, les pièces vissées, comme la bague de centrage du canon sont bloquées avec des minuscules vis Allen en inox. D’autres vis, du même type, sont utilisées pour régler la course de la queue de détente et fixer les poussoirs de sécurité qui, eux, sont usinés avec un travail de bijoutier.

La hausse mérite une note particulière, fraisée dans la masse de la glissière, contient une lame profilée qui devrait permettre le réglage par l’intermédiaire d’une vis sans fin.  Toutefois, sur notre arme, l’ensemble a été bloqué intentionnellement et il n’y a aucun réglage possible.

Globalement, un ensemble : esthétique, fonctionnel et robuste, qui doit coûter une fortune.

Une surprise nous attend au niveau du système de mise en sécurité de l’arme. Nous constatons qu’il n’existe qu’une seule sécurité manuelle.  Elle assure la déconnection de la chaine de percussion et ceci aussi en cas de mauvaise fermeture de la culasse. Son fonctionnement est assez déconcertant, en faits, la sécurité s’enlève par inertie à la fermeture rapide de la culasse. Ca pourrait apparaître insensé, mais en y réfléchissant bien, il s’agit d’une solution rationnelle pour une arme de combat. Quand on chambre une cartouche, c’est qu’on a l’intention de tirer. Si on en décide autrement : soit on décharge l’arme, soit on met à nouveau la sécurité.

Personnellement nous sommes de l’avis que la pléthore de sécurités qui compliquent les armes modernes, ne peut nous mettre à l’abri de l’imprudence ou de la bêtise humaine. Même quand un législateur stupide nous obligera à composer un code secret de cinq chiffres, avant de pouvoir tirer chaque coup, on trouvera encore un malheureux capable de se tirer une balle dans le pied.

Donc, si le CAC 45 était  destiné à une armée professionnelle, le choix fut parfaitement rationnel.

Les plaquettes de poignée, en bois qui remplacent les horribles plaquettes Colt, ont l’air un peu artisanale, mais elles s’avèrent confortables et rationnelles.

En plus des plaquettes mêmes, d’autres pièces sont  parfaitement  interchangeables avec celles  d'un Colt 1911A1: le chargeur et son arrêtoir, le percuteur et son ressort.

Comme nous l'avons dit, la prise en main est ergonomique : parfaite pour une grosse main, confortable pour une petite. L’armement est moins dur qu’avec une Colt et les pièces mécaniques travaillent sans bruit ni vibrations, comme dans un bocal d’huile.

Le magnifique chargeur glisse facilement de son logement et reçoit ses sept cartouches avec une douceur déconcertante. Pour le remettre il faudra, toutefois, maintenir enfoncé son bouton de blocage.

La manœuvre du levier du « hold open » est instinctive et peut être effectuée avec une seule main. Un point en plus par rapport au Colt.

L’acquisition de la cible est facile, même si les repères fluorescents sur hausse et guidon ont perdu leur luminescence. Le déclenchement est sans préavis, net et sans filatures. La course de la queue de détente est de 5,5 mm et le poids est d’environ 2500 grammes. Le recul est moins brutal que celui de 1911 et même un tireur occasionnel peut rapidement retourner sur la cible.

Au moment du test, nous ne disposons que de dix cartouches, cinq Winchester et cinq Fiocchi, toutes FMJ.

Avec les Winchester, au troisième coup, une douille reste dans la chambre, un réarmement rapide nous permet de terminer la série.

Avec les Fiocchi, l’incident se répète à chaque tir, la douille reste dans le canon. L’examen des douilles ne montre aucun signe de surpression, les traces de l’extracteur son à peine visibles et il n’y a aucun résidu imbrûlé.

Nous pensons que le problème est dû à la faiblesse du ressort de l’extracteur ou au profil du crochet de ce dernier.

La bonne surprise est que la forme de la poignée et le "bush" généreux, protégent la main du tireur de la traditionnelle morsure causée par la crête du chien au moment du réarmement.

Le démontage de campagne est similaire à celui du Colt, mais un peu moins compliqué. Il faut, bien sur : enlever le chargeur et la clé, puis l’arme se décompose facilement en deux parties: la carcasse et la glissière avec canon et ressort de récupération. Pour démonter ce dernier, il faudrait dévisser la vis frontale et nous n’osons pas la forcer.

En conclusion, une arme puissante, précise et fonctionnelle. Conçue pour des professionnels et de fabrication soignée. Encore de nos jours, elle pourrait tenir sa place parmi des redoutables concurrents. Sait on jamais que un armurier imaginatif ne la ressuscite.

Reste enfin à imaginer le coût d'une arme destinée à la fabrication en grande série et finalement réalisée en un seul exemplaire.

Gigantesque!

Vittorio Mangiarotti

Retour "MOSSBERG"