Revolvers fabriqués en Europe

LES REVOLVERS  LE MAT

Le Docteur  Jean Alexandre François Le Mat était un Français venu s'installer à la Nouvelle-Orléans en Louisiane, aux environs de 1850. En-dehors de la médecine, Le Mat était un inventeur; et l'une de ses inventions, peu avant le début de la guerre de Sécession, est un revolver qui se révèlera unique en son genre, et supérieur à la plupart de ses concurrents.

Le 21 octobre 1856, Le Mat déposa aux USA le brevet de son arme, qui est enregistré sous le n° 15925. Ce brevet décrit la particularité unique de ces revolvers, à savoir le barillet tournant non autour d'un simple axe, mais d'un canon supplémentaire, et la possibilité de faire feu à loisir avec l'un ou l'autre des canons.

En 1859, Le Mat s'associe à Pierre Gustave Toutant Beauregard, alors major dans l'armée des Etats-Unis, et qui deviendra plus tard un général célèbre dans l'armée confédérée. La participation de Beauregard dans la société était de 1/4 des parts.

Le but de leur société était bien entendu de vendre le nouveau revolver à l'armée, et ils réussirent à intéresser le Ministère de la Guerre, qui demanda à examiner et tester l'arme. Les tests furent concluants et l'armée donna un avis favorable, avec toutefois la réserve de quelques changements mineurs destinés à faciliter les réparations et à alléger l'arme.

Malgré cette opinion favorable, l'arme ne fut jamais commandée par l'armée des USA. Le Mat et Beauregard se tournèrent alors vers les gros fabricants d'armes du moment, comme Manhattan Arms Co, Springfield Arms Co, Bacon etc, mais sans aucun succès. Dès lors, les associés cherchèrent d'autres débouchés hors des USA, et déposèrent pour ce faire leur brevet en France, Russie, Espagne, Belgique, Angleterre, Prusse et Saxe.

Le 10 avril 1860, Beauregard revendit ses parts à Le Mat et quitta la société pour poursuivre sa carrière militaire, cette fois dans l'armée de la Confédération. Peu après, Le Mat revendit 3/4 des parts de la société à un autre médecin français, Charles Frédéric Girard. Au matin du 12 août 1861, Le Mat était le seul fabricant d'armes ayant déjà un contrat avec le gouvernement confédéré, pour la livraison de 5.000 revolvers de son invention. Il y ajouta un contrat avec la marine, dont les termes sont égarés, mais dont les traces apparaissent dans des textes de juillet 1862.

La question a été posée de savoir si les Le Mat sont des revolvers américains ou européens. S'il est vrai que le premier brevet a été déposé aux USA, il est cependant douteux qu'une réelle production ait été réalisée dans ce pays, en-dehors des quelques dizaines de revolvers donnés à l'armée pour évaluation.

D'autre part, il est établi que la plus grande part de ces revolvers ont été produits en France. Il est donc normal de considérer ces armes comme un produit français.

De la même manière, Samuel Colt avait déposé son tout premier brevet à Londres en 1835, et aux USA seulement l'année suivante; mais il n'a commencé à produire des armes à Londres que quelque vingt ans plus tard, et pendant seulement quelques années. Il serait donc ridicule de prétendre que les armes Colt sont d'origine britannique.

Le Mat et Girard s'installèrent au 9, impasse de Joinville à Paris, où ils installèrent un atelier de montage des armes, dirigé par un certain Chevereau. Le système de production était calqué sur celui en vogue à Liège, St-Etienne et Londres, à savoir qu'un certain nombre de petits artisans de la place fabriquaient les pièces des revolvers, qui étaient ensuite assemblés dans l'atelier de montage.

Le Mat et Girard n'avaient pas de bonnes relations avec Caleb Huse, qui se plaignait sans cesse de la qualité des armes. Pour cette raison, de multiples changements mineurs furent apportés aux armes, ce qui provoque parfois la confusion parmi les collectionneurs d'aujourd'hui.

La production fut ensuite déménagée à Londres, où les revolvers destinés à l'armée furent fabriqués par Aston Bros, et ceux pour la marine par Tipping & Lawden.

La seule différence entre les revolvers de l'armée et ceux de la marine, est un poinçon M apposé sur certains revolvers (pas tous) livrés à la marine.

LES REVOLVERS

Malgré d'innombrables variations mineures, il n'existe, à l'époque de la guerre de Sécession, que deux modèles de revolver Le Mat, avec entre eux, ce qu'on pourrait appeler un "modèle de transition".

Les revolvers Le Mat sont d'un calibre légèrement inférieur à celui de leurs concurrents Colt, Remington et autres (.41 au lieu de .44), ce qui leur donne une puissance d'arrêt moindre; ils compensent cependant largement cet handicap par une puissance de feu largement supérieure, avec un barillet à 9 coups au lieu de 6, et surtout avec leur canon central lisse, de calibre 20 (.65), qui peut être chargé à balle mais qui en fait est destiné à recevoir une charge de chevrotines. Avec une telle charge et la dispersion due à la longueur du canon et à l'absence de choke, les Le Mat sont des armes redoutables, qui en combat rapproché ou en lieu clos font des ravages comparables à ceux de nos modernes riot-guns.

TOUS les revolvers Le Mat de cette période ont un barillet à 9 coups de calibre .41, et un canon central à âme lisse de calibre 20.

Bien construits et robustes, ces revolvers sont indubitablement supérieurs à tous les autres revolvers à percussion utilisés pendant la guerre de Sécession.

LE PREMIER MODELE

Le premier modèle ont un canon rond, avec une partie octogonale vers la chambre; leur refouloir est placé à droite, le long du canon, et leur pontet est muni d'un repose-doigt. La calotte de crosse est légèrement arrondie, et pourvue d'un anneau de calotte de type classique. Le ressort principal, logé dans la poignée, est très court.

Les n°s de série de 1 à 450, sont également marqués du logo Le Mat, constitué des lettres L et M en cursive, dans un cercle.

LE SECOND MODELE

Suite aux demandes formulées par l'armée, le second modèle Le Mat a un canon octogonal sur toute la longueur, et a le refouloir fixé du côté gauche de ce canon. Le pontet est ovale, et l'anneau de calotte est intégré d'un bloc dans la calotte elle-même. Sur ces revolvers, le logo Le Mat est formé des lettres LM en capitales d'imprimerie surmontées d'une étoile à cinq branches. Le ressort principal de ces revolvers est beaucoup plus long que sur le 1er modèle. Toutes les autres spécifications sont identiques à celles du 1er modèle.

Les n°s de série du 2nd modèle vont de 950 à 2500 environ.

LE MODELE DIT " DE TRANSITION"

Les n°s de série entre 450 et 950 sont des armes constituées de pièces appartenant aux deux modèles; ont peut y trouver des armes ayant, par exemple, un canon du 1er modèle et une carcasse, un pontet et une crosse du second modèle, ou toute autre combinaison. Aucune explication satisfaisante à l'existence de ce modèle n'a pu être donnée jusqu'ici.

Il existe cinq, ou même six marquages différents sur les canons des revolvers Le Mat, comme le montrent les photos ci-après, selon qu'ils aient été construits aux USA, en France ou en Angleterre.

UN SEUL revolver a été retrouvé portant un sixième type de marquage, "LEMAT BREVET", ainsi que les poinçons d'épreuve de Liège. Cette arme est à l'état presque neuf, et il est peu probable qu'elle ait servi durant le conflit. Ce revolver est en tous points semblable aux autres et de qualité égale. Il porte un n° de série élevé, et il n'est à ce jour pas possible de dire s'il s'agit d'un exemplaire unique commandé par Le Mat pour évaluer la qualité du travail liégeois, ou si des armuriers liégeois ont produit des Le Mat sur commande du docteur. Certains auteurs cependant, penchent pour une production modeste, absorbée par la guerre, parce que le revolver en question a été totalement fini, ce qui est inhabituel pour un revolver d'essai.

Environ 3.000 Le Mat ont été produits au total, mais le nombre exact des armes ayant pu être livrées aux confédérés est inconnu. les numéros de série des armes fabriquées à Paris vont de 1 à 2500; ceux de Londres vont de 1 à 128, puis passent à 5208 et ensuite directement à 8000, ce qui est pour le moins bizarre lorsqu'on sait que Londres n'a produit que quelques centaines de ces armes.

Marcel

LeMat 1er modèle

LeMat 2nd modèle

Colonel Le mat 2ième modèle

Un visiteur russe nous envoie les photos d'un revolver du 2è modèle, contemporain de la Guerre Civile américaine et présentant selon lui un marquage inhabituel

Cette arme est signée "Col Le Mat" (sans les lettres S.G.D.G) dans une bannière sur le canon, du même style que les autres marquages de la production française. Elle porte également, sur le pan droit du canon près du tonnerre, le logo officiel de Le Mat, à savoir les initiales LM surmontées d'une étoile à 5 branches. Le n° de série est le 687. Tout comme le propriétaire, je pense que l'arme fait partie du lot fabriqué en France. L'absence des lettres S.G.D.G pourrait suggérer qu'elle a été fabriquée après que Le Mat ait obtenu les documents de patente définitifs, ce qui rend ces quatre lettres superflues. D'autre part, le n° de série s'insère parfaitement dans un lot de +/- 2.500 pièces.

Cette explication me semble à première vue la plus logique.

Par contre, l'absence de tout poinçon d'épreuve, obligatoire en France, remet tout en question...

Sauf si la loi française de l'époque, à l'instar de la loi belge, exemptait de l'épreuve obligatoire les armes destinées à l'exportation directe vers des pays dont les méthodes d'épreuve étaient considérées comme acceptables. Ce qui n'est pas le cas des États-Unis, qui n'ont jamais eu de bancs d'épreuve gouvernementaux. Je ne connais pas les détails de la législation française de l'époque sur ce point, mais je cherche. Si quelqu'un peut me donner des précisions à ce sujet, il est le bienvenu.

Une autre possibilité serait une production américaine sur base du modèle produit en France, mais là j'ai deux problèmes: l'un est le fait que l'arme ne porte aucune référence au(x) brevet(s) - ce qui je pense était obligatoire aux États-Unis; et l'autre, basé sur le fait que la production américaine ne dépassait pas les quelques dizaines d'exemplaires donnés à l'armée pour les essais en début de période, rend le n° de série 687 trop élevé et donc douteux.

Jusqu'à plus ample informé, j'en reste donc à la théorie d'une production française comme décrite ci-dessus, d'un nombre inconnu de revolvers qui ont pu être expédiés aux USA sans avoir passé l'épreuve obligatoire.

Marcel

Marquage du premier type (USA)

Marquage du 2ième type (USA)

Marquage du 3ième type (Paris même époque)

Marquage du 4ième type (France)

Marquage du 5ième type (Londres)

Comparaison ente les mécaniques du premier (En haut) et second modèle (En bas)

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