Robbins & Lawrence
LA POIVRIERE ROBBINS & LAWRENCE - CONCEPTION ET FONCTIONNEMENT
Cette petite arme de poche, conçue en 1849 par Samuel Robbins et Richard Lawrence de Windsor dans l'état du Vermont, est fort intéressante de par sa conception et son fonctionnement.
Ses créateurs, deux armuriers américains par ailleurs peu connus sur la place, ont conçu une arme de poche fiable et très bien finie, qui connut une popularité assez grande au début (7.000 exemplaires fabriqués entre 1851 et 1854) mais fut malheureusement rapidement détrônée par l'invasion massive du marché par les revolvers Colt, alors au faîte de leur succès.
Description générale
L'arme standard comporte un bâti en fer gravé de volutes assez simples, et était disponible en deux calibres, à savoir le 28 et le 3, à cinq coups. Il existe quelques exemplaires à bâti de laiton et calibre plus élevé, mais ils sont extrêmement rares. L'exemplaire présenté ici est en calibre 28.
C'est une arme à percussion sur laquelle les cheminées sont entièrement cachées par la carcasse. Elles font partie intégrante de l'arrière des chambres et sont donc inamovibles.
Les modèles standard sont équipés d'une "détente-anneau" qui est en fait un levier d'armement, la vraie détente étant constituée par une pièce métallique courbe qui se trouve à l'avant de cet anneau. Ici encore, quelques très rares exemplaires ont été vus qui comportent une détente conventionnelle.
Le faisceau comporte cinq canons rayés, soit flûtés, soit cannelés. Les canons sont toujours colorés en brun, le reste de l'arme étant bleui. Il existe quelques variations mineures au niveau de la vis de fixation du faisceau à la carcasse. Le faisceau est en 2 parties et peut en outre être basculé vers le bas. Il est fixé à la carcasse par une charnière et une barrette sur le haut de l'arme, laquelle comporte également le cran de mire. Notre exemplaire a le faisceau de canons "flûté".
La poignée comporte toujours un busc, lequel améliore grandement la préhension, ainsi que des plaquettes en noyer lisses fixées par une vis transversale et deux rosettes circulaires. A ce niveau encore, quelques variations mineures sont possibles, telles que l'usage d'une autre essence de bois, quadrillage, plaquettes de nacre ou d'ivoire.
Pendant le tir, le faisceau de canons reste fixe. Cette arme comporte un percuteur rotatif.
Lorsque la poivrière est fermée et prête à l'usage, les cheminées et le percuteur sont invisibles de l'extérieur. L'avant de la carcasse comporte une "cuvette" aux parois octogonales assez épaisses (c'est la partie comportant deux trous sur les pans supérieurs - photo 1). Le percuteur rotatif se meut dans cette cuvette, laquelle est fermée à l'avant par la face arrière des chambres, dans laquelle sont logées les cheminées. Les trous pratiqués dans les pans supérieurs de la cuvette assurent un apport d'air aux cheminées et une bonne évacuation des gaz, éliminant ainsi le danger d'une éventuelle surpression dans la cuvette. (Photos 7 et 12)
Chargement
Le faisceau de canons est composé de deux parties séparées, l'une comportant les 5 canons rayés proprement dits, la partie arrière comprenant les chambres. Les canons sont montés sur un axe central terminé par une vis de maintien. (Photos 4 à 6)
Pour le chargement, le tireur dévisse l'avant du faisceau et le tire vers l'avant le long de l'axe central. Ceci crée un espace libre entre les canons et les chambres, qui lui permet de charger les chambres directement, et d'y pousser une balle ronde avec le pouce, sans refouloir.
Il peut également, de la même manière, charger l'arme avec des cartouches combustibles.
Après le chargement des chambres, on revisse les canons en place. Le pas de vis est calculé de telle sorte que les canons se repositionnent toujours exactement.
Ensuite, une pression sur l'arrière de la barrette située sur le haut de l'arme fait basculer le faisceau vers le bas, exposant les cheminées qui peuvent alors être garnies de capsules.
L'arme est maintenant chargée et prête à être utilisée.
Armement et tir
Une fois l'arme chargée et refermée, le tireur passe un doigt dans l'anneau du levier d'armement et tire celui-ci vers l'arrière jusqu'à ce qu'il s'enclique et reste en position. Pendant ce mouvement, la détente courbe qui épouse le contour de l'avant de l'anneau, se sépare de ce dernier et descend légèrement. Une pression sur cette détente fait partir le coup.
La conception de ce système procure une sécurité maximale, car tant que le levier d'armement n'est pas ramené en arrière, tout tir ou départ intempestif est absolument impossible.
(Photos 1 et 2)
L'arrière du bâti de crosse comporte un bouton métallique. Par une pression sur ce bouton tout en retenant le levier d'armement avec le doigt, le tireur peut débrayer le système et ramener le levier en position de repos sans avoir à tirer. Cet ingénieux système ne gène en outre aucunement un tir normal. (Photo 3)
Mecanisme interne
Les photos 9 et 10 montrent le mécanisme interne de l'arme. Pour un fonctionnement somme toute relativement simple, cette mécanique est assez complexe et comporte plusieurs éléments difficiles à fabriquer avec les moyens de l'époque, entre autre les ressorts.
Le levier d'armement 1 pousse en arrière le ressort de percuteur 5 et le rappel de détente 6 jusqu'à l'encliquetage dans le cran d'armé 4 sur la tringle. Dans ce mouvement, la tête du ressort principal entraîne l'axe du percuteur, lequel tourne sur lui-même d'un cinquième de tour sous l'action des gorges courbes qu'il comporte.
Au moment du tir, l'arrière de la détente 2 soulève la tringle 4, libérant le ressort du cran d'armé. Le ressort projette fortement l'axe du percuteur vers l'avant.
Lorsque le tireur relâche la détente, celle-ci revient en place de la même manière sous l'action du ressort de rappel 6.
De même, une pression sur le bouton de désarmement 7 pousse la tringle 4 vers le haut, ce qui désengage le ressort principal du cran d'armé.
Tout le fonctionnement de l'arme se passe sur le plan horizontal.
Le ressort principal est la pièce maîtresse de ce mécanisme, puisqu'il fait en même temps office de levier de gâchette et qu'il sert en outre à amener le percuteur à l'armé. Le bris de ce ressort compliqué rendrait l'arme totalement inutilisable.
Poivrière sophistiquée destinée à une clientèle civile aisée, la Robbins&Lawrence est une arme solide et fiable, idéale pour la défense.
Son petit calibre ne lui donne évidemment pas la puissance des gros revolvers militaires, et elle a le même manque de précision au tir que toutes les autres poivrières; mais en tant qu'arme de défense civile destinée à un tir instinctif rapproché, elle remplit parfaitement le rôle qui lui est imparti.
De plus, sa relative rareté en fait aujourd'hui une pièce très intéressante pour les collectionneurs.
Marcel
Robbins & Lawrence
Robbins & Lawrence, Windsor, Vermont, poivrière à chien interne.
Environs de 1851.
Numéro de série 3327 ; calibre .31, poivrière à 5 canons de 3 5/16 pouces de longueur, marqué sur la nervure de canon du nom de fabricant, la nervure adjacente avec l'adresse, et la nervure adjacente avec 1849 et PATENT ; canons gravés en bordure et rouleau, armature et bandes entre les poignées ; bleui. Poignées en bois de rose vernies.
Merci à "GREG MARTIN AUCTION" pour les photos.