LE REVOLVER STARR 1858 DOUBLE ACTION

 

Un peu d'histoire...

 

Bien que n'ayant rencontré qu'un succès mitigé parmi leurs utilisateurs, les revolvers Staar DA et plus tard la version simplifiée en SA ont joué un rôle important dans l'armement de l'armée de l'Union au cours de la Guerre de Sécession. Avec un total de plus de 21.000 revolvers, la firme Starr a été le troisième plus important fournisseur de l'armée yankee, après Colt et Remington.

L'inventeur Ebenezer Starr naquit le 16 août 1816 au sein d'une famille aisée, comprenant plusieurs hommes d'affaires connus pour leur lobbying et leurs nombreuses transactions avec les instances gouvernementales. Depuis les années 1790, cette famille avait livré au gouvernement américain de grandes quantités d'accoutrements et de coutellerie militaires comprenant des milliers de sabres, lances, coutelas, piques, mais aussi des outils tels que pelles ou haches, qu'ils ne fabriquaient qu'en partie eux-mêmes, le reste étant confié sous contrat à divers autres fabricants.

Nathan Starr, père d'Ebenezer, était quant à lui armurier et a fabriqué et livré à l'armée, entre 1831 et 1845 plus de vingt mille mousquets à silex.

Ebenezer apprit le métier d'armurier - et celui de commerçant - dans l'usine de son père. Fort intéressé par la technique alors encore nouvelle des revolvers en général, il s'était mis en tête de réaliser un revolver supérieur à tous les autres tant par sa technique que par ses innovations.

Le 15 janvier 1856, alors âgé de près de 40 ans, Ebenezer obtint le brevet 14.118 pour une série d'améliorations apportées aux "pistolets à révolution".

Il mit ainsi au point une poivrière à double action comprenant un levier d'armement interne spécial et une détente ajustable. Ce dernier concept sera utilisé, légèrement modifié, sur ses revolvers.

Son premier revolver à double action vit le jour en 1857 et était de calibre .36. En-dehors de son barillet sensiblement plus long, il était totalement identique aux gros revolvers de calibre .44 qui furent produits plus tard.

Soumis à de sévères tests  à l'Arsenal de Washington, le revolver fut rejeté pour cause de mauvais fonctionnement. Dans son rapport du 21 janvier 1858, le major William Bell fit comprendre que l'arme était nouvelle et présentait de nombreux avantages, entre autres la cadence de tir, mais que son calibre .36 se révélait un peu faible et que diverses améliorations devaient être envisagées, dont la plus importante était que, lorsqu'une capsule de percussion se déformait à l'explosion, elle bloquait facilement la rotation du cylindre et était de plus difficile à éliminer.

Ebenezer travaillait entretemps à l'élaboration d'une carabine - jugée supérieure à la Sharps par les instances gouvernementales - et à son second revolver de calibre .44. Ayant apporté les modifications nécessaires à son calibre .36, il réussit à le faire accepter contre l'avis de l'inspecteur John Taylor, et au début des hostilités en 1861, l'armée lui acheta d'abord 500 unités, suivies bientôt de 1.250 autres.

Le 4 décembre 1860, Starr obtint le brevet n° 30.843 couvrant les diverses améliorations apportées à son revolver et inclues dans la version en calibre .44.

Il ressort des divers rapports et correspondances que certains décideurs de l'armée, peut-être "bien soignés" par les autres fournisseurs d'armes, étaient opposés à l'achat des Starr et leur trouvaient un tas de défauts; d'autres officiels, plus prudents car au courant des excellentes relations de la famille avec les milieux politiques, se montraient bien plus ouverts.

Le 31 août 1861, le trésorier de la compagnie, Everett Clapp, fit parvenir au Colonel Ripley, superintendant de l'Ordnance, une offre pour 12.000 revolvers en calibre .44 immédiatement livrables au prix de $ 25 pièce. Ripley accepta l'offre le 23 septembre suivant, exigeant toutefois que le prix demandé devait également couvrir la livraison, avec chaque arme, d'un tournevis, d'une clé à cheminées et d'un moule à balles. Le 11 janvier 1862, Ripley porta la commande à 20.000 unités.

Il appert cependant que le contrat fut revu au printemps 1862 par la commission Holt & Owen, et ramené à 15.000 unités au prix de $ 20 pièce. Finalement, Starr livra en onze mois un total de 13.100 revolvers en calibre .44.

Afin de faire taire les mauvaises langues qui continuaient à dénigrer ce revolver, un test d'endurance fut organisé par la Marine le 18 mars 1863.

Le rapport du Commandant en second Skerret stipule que le revolver au n° de série 9002 tira sans discontinuer 500 cartouches combustibles de Johnson & Dow destinées aux Starr, ensuite 60 cartouches Joslyn et finalement 362 cartouches destinées au Colt Army. Le revolver tira toutes ces munitions à la suite sans aucun incident technique et sans même devoir être nettoyé. Démonstration convaincante s'il en est.

L'ARME ET SON FONCTIONNEMENT

Le Starr DA en calibre .44 est un gros revolver à percussion d'une taille et d'un poids comparables à ceux du Colt Dragoon.  C'est un revolver laid, rébarbatif, difficile à manier, mais très impressionnant. Pesant un peu plus de 1.300 gr à vide, c'est assurément l'un des plus imposants revolvers de sa génération.

Le barillet comporte six chambres plus longues que celles du Colt Army, quoique ce barillet soit sensiblement plus court que celui des premières versions en calibre .36.

La crosse de grande taille comportant un busc bien marqué, confère une bonne prise en main, mais la structure trop "haute" de l'arme dans la main et son poids contribuent à déranger l'équilibre. Ce revolver n'est pas destiné à des mains de jeune fille.

Le canon comporte 5 rayures à gauche, sans gain.

L'arme est équipée de deux systèmes de sécurité de transport: d'une part un dédoublement des crans de blocage du barillet, à l'instar des revolvers de la Manhattan Arms Co, et d'autre part le classique cran de demi-armé du chien. Ce cran est placé fort en-arrière sur le corps du chien, de sorte que ce dernier ne recule que de quelques mm, soit suffisamment pour ne plus être en contact avec les capsules de percussion mais pas assez pour augmenter le risque d'accrochage dans les vêtements.

Le bloc-détente comporte deux cames de blocage du barillet, ce qui implique que ce dernier reste bloqué en position quelle que soit l'inclinaison de la queue de détente.

Quoiqu'il ait conçu son arme comme un outil de guerre fonctionnel et sans fioritures, Starr a quand même vendu quelques versions de luxe de ce revolver.

Ces rares exceptions sont toutes ornées de gravures et d'incrustations de haute qualité, et pourvues d'une crosse en bois précieux ou autre matériau de luxe.

Peu d'armes standard ont été vendues sur le marché civil; la plupart portent des deux côtés de la crosse un cartouche contenant les initiales du contrôleur militaire.

Le Starr DA se distingue de tous les autres revolvers de l'époque par une foule de détails de conception:

- Mécanisme interne fort complexe

- Carcasse fermée avec cependant un canon basculant autour d'une charnière placée au bas du châssis devant le barillet, et permettant un démontage et un remplacement rapide de ce dernier. En position fermée, le canon est maintenu fermement en place par une grosse goupille dévissable à la main...et facile à perdre en situation de combat, ou la nuit, ou à dos de cheval.

- Double détente; la grosse détente avant n'est destinée qu'à l'armement du chien et à la rotation du barillet. Derrière cette détente, dans le fond du pontet, se trouve un second levier, connecté au chien par l'intermédiaire du levier de gâchette.  Ce levier est actionné par la pression de la première détente dans le mode double-action.

- Le revolver n'autorise pas la "simple action" conventionnelle, car il est impossible d'armer le chien avec le pouce. Le tireur peut placer le chien en position de sûreté avec le pouce, mais ne peut l'amener plus loin sans se servir de la détente.

Par contre, l'arme comporte un dispositif permettant de répartir le tir en double action sur deux temps distincts.

Sur la face arrière de la détente avant, est placée une petite glissière munie d'un plot. Lorsque cette glissière est en position haute et que le tireur presse la détente à fond, le petit plot s'engage dans une ouverture de la carcasse et n'a en fait aucun effet. La détente avant peut pousser la seconde et ainsi faire partir le coup. Le tir en DA requiert un doigt musclé, la détente étant particulièrement dure.

Dans cette configuration et en appuyant prudemment sur la détente, le tireur peut également aisément amener le chien au cran d'armé. Il lui suffira alors de presser plus loin pour faire partir le coup.

Si le tireur recherche un tir plus précis, il peut pousser la petite glissière en position basse. Le plot viendra alors buter contre la carcasse juste au moment où le chien atteint le cran d'armé tandis que le barillet est parfaitement aligné et bloqué en position. Le tireur devra ensuite presser la seconde détente séparément pour déclencher le coup, le petit plot bloquant le mouvement de la détente avant. On peut s'interroger quant à l'utilité réelle, sur cette énorme pétoire qui ne fait pas le détail, de cette disposition qu'on s'attendrait plutôt à trouver sur une arme de sport...

J'ai sous la main deux de ces revolvers, portant tous deux les traces d'une utilisation intense. Les deux fonctionnent parfaitement, et n'accusent, après 160 ans d'histoire mouvementée, pas le moindre jeu dans le barillet ni la charnière.

Je ne peux m'empêcher ici d'avoir une pensée pour les obscurs ouvriers-marcheurs de tous les ateliers d'armurerie, dont l'histoire ne retient jamais le nom, et qui avec leur limes, leurs bouts de toile émeri, leur gabarits "maison", leurs brûleurs à suie et leurs petits bouts de bois ou de fer secrets, mais surtout avec leurs yeux d'aigle et leur dextérité, réalisent ces "timings" et alignements parfaits qui font d'une bonne arme un outil parfaitement fiable.

Peu de gens peuvent se rendre compte de la difficulté et de la précision de ce travail qui ne peut se faire qu'à la main, et qui garantit qu'un chien enclenche le cran d'armé au moment précis où le barillet est parfaitement en ligne avec le canon et où la came de blocage montante vient s'engager dans le cran correspondant sans même griffer le barillet.

Bien que l'arme comporte un levier de chargement, il est bien plus facile de la recharger en ôtant le barillet vide pour le remplacer par un plein après avoir basculé le canon.

Le bloc-détente comportant une came à l'avant et une à l'arrière, le barillet est bloqué en position quelle que soit la position de la détente. Il ne tourne donc pas librement au repos, ni en position de sûreté.

Pour un rechargement sans démontage du barillet, le tireur doit amener le chien au cran de sûreté, puis maintenir la détente légèrement pressée jusqu'à la première bossette. Dans cette position, la détente s'incline de telle sorte que les deux cames sont effacées, et le barillet peut alors tourner librement.

Si cette procédure permet encore assez facilement le rechargement avec des cartouches combustibles, elle devient aléatoire, surtout en situation de combat, lorsque le tireur doit se servir de poudre en vrac.

Malgré sa solidité et ses qualités indéniables, le Starr DA présente donc encore pas mal de défauts, qui sont sans doute à l'origine des récriminations des soldats qui en étaient pourvus. En 1863, il sera remplacé par une version en simple action, comportant un canon plus long, et qui sera bien mieux accueilli par les hommes de troupe. Quoi qu'il en soit, Ebenezer Staar a quand même atteint le but qu'il s'était fixé, de réaliser et de vendre à l'armée un revolver sortant des sentiers battus.

Marcel

Star 1858 Army DA

J'envoie des photos d'un revolver Star 1858 Army DA. Il pourrait être intéressant de le comparer au pistolet belge converti présent sur le site.

Il est intéressant qu'à la différence du calibre 36 Star Navy, le calibre 44 modèle Army peut tirer en simple ou double action.

Cependant, s’il est armé en simple action, il est nécessaire de tirer le petit levier derrière la détente pour libérer doucement le chien sans décharger l'arme.

Roger

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