HISTORIQUE DU REVOLVER WESSON'S & LEAVITT'S 1837/49

1. La Wesson Rifle Company et la Massachussett's Arms Company de Chicopee Falls

En 1835, Edwin Wesson, fils des fermiers Rufus Wesson et Betty (Baird), armurier de son état, fonde avec son père et son frère aîné Frank la Wesson Rifle Company, qui devient rapidement connue pour la haute qualité et la précision des fusils à percussion qu'elle fabrique. Edwin a encore trois frères cadets: Daniel Baird, né en 1825, et qui s'associera en 1852 avec Horace Smith pour former la célèbre Smith&Wesson, toujours à la pointe du progrès de nos jours;  Franklin et Rufus, encore en bas âge à cette époque.

A partir de 1842, Daniel rejoint la société d'Edwin et commence son apprentissage.

Malheureusement, malgré la qualité des armes produites, les ventes stagnent et la société se trouve souvent devant de grosses difficultés financières. Bien qu'en contact avec d'autres éminents producteurs et clients potentiels tels que Allen & Thurber et même le Capitaine Samuel Walker - qui fera renaître Colt - qui parle d'un contrat pour 1000 fusils pour l'armée, mais ne le matérialisera jamais.

En 1837, un autre armurier du nom de Daniel Leavitt, dépose un brevet pour un "revolver" de son invention. Il s'agit en fait d'un pistolet muni d'un barillet à trois coups qui doit être tourné à la main. Cette arme n'est donc pas vraiment un revolver et si quelques exemplaires en ont été construits, ils doivent être ultra-rares de nos jours. Il est vrai que cette arme désuète, sortie un an après le premier Paterson de Colt, n'avait aucune chance de succès.

Daniel Leavitt était une connaissance d'Edwin Wesson.

En 1847, avec l'accord de Leavitt et l'aide de Stevens et Miller, deux autres armuriers, Edwin développe le premier modèle du Leavitt et l'améliore en lui donnant un barillet à 6 coups et une mécanique spéciale. Ce revolver, aujourd'hui connu sous le nom de "Wesson, Tevens & Miller Dragoon Revolver", fut construit à très peu d'exemplaires en mai 1848. Le seul exemplaire connu de nos jours se trouve au musée du Connecticut State Library.

Edwin continuera à améliorer cette arme et déposera en 1848 un brevet pour un mécanisme révolutionnaire de rotation du barillet, constitué de deux pignons dentés enclenchés l’un dans l'autre.

Le 29 janvier 1849, Edwin Wesson meurt inopinément. Sa mort va faire péricliter sa société, qui avait été co-financée par 16 actionnaires. Malgré tous les efforts faits, la famille Wesson ne put empêcher le juge Williams de Hartford, de mettre la société en vente publique le 22 novembre 1849.  La société avec tout son outillage, fut rachetée par un groupe d'actionnaires parmi lesquels se trouvaient Daniel Leavitt, Benjamin Warner, Josuah Stevens, William Miller, Daniel B Wesson et Horace Smith.

La société fut appelée "Massachussetts Arms Company" et s'établit à Chicopee Falls et avait pour but de produire des armes, entre autres le revolver Wesson & Leavitt mis au point par Edwin.

Sam Colt, en colère contre Stevens et Miller parce qu'ils avaient travaillé pour un concurrent alors qu'ils étaient encore employés chez lui, fut la cause du délai d'attribution du brevet de ce revolver et continua à engager des poursuites pour des futilités, jusqu'à ce qu'il gagne un procès pour violation de brevet le 30 juin 1851. Ce procès fut retentissant.

La Massachussett's Arms Co est donc née de la faillite de la Wesson Rifle Co.

2. Le revolver Wesson's & Leavitt 1837/49

Revolver à percussion à 6 coups, de calibre .31.

Le modèle est proche de l'antique Collier et a une parenté évidente avec les poivrières encore très courantes à cette époque. Il est doté d'une platine arrière.

C'est un "sidehammer", donc un revolver qui a un chien monté sur le côté extérieur droit tout comme les pistolets plus anciens.

Le canon est amovible vers le haut et comporte une bande plate passant au-dessus du barillet et fixée par une vis-charnière au bouclier arrière, juste devant le chien.

A l'avant, le canon comporte un tenon qui engage une mortaise pratiquée dans l'axe du barillet; devant le tenon se trouve une bague munie d'un crochet pour assurer la fermeture de l'ensemble. Cette bague est elle-même sécurisée par un cliquet.

La carcasse et le chien sont gravés à la main, et le pourtour du barillet présente une gravure à l'acide. L'ensemble présente un beau bleu brillant, sauf le pontet et l'arrière du bâti de crosse, qui sont plaqués argent.

La crosse est d'une seule pièce; la vis transversale servant à maintenir en place l'arrière de la plaque de platine. A l'avant, cette plaque est maintenue par une vis placée sur le côté droit du bouclier arrière.

C'est une arme à la finition très soignée, dont les pièces s'ajustent parfaitement. L'exemplaire présenté, quasiment à l'état neuf, ne présente pas le moindre jeu.

Marquages:

Plaque de platine: Wesson's & Leavitt's patent

Face arrière du barillet: "Leavitt's patent April 29, 1837"

Face avant du pignon horizontal: "Wesson's Patent Aug 26, 1849"

Face avant du bouclier: 640 (n° de série)

Bande supérieure du canon: "Mass. Arms Co, Chicopee Falls" en deux lignes.

L’amélioration principale apportée et brevetée par Edwin Wesson, est l'introduction d'un mécanisme de rotation du barillet composé de deux pignons dentés. Le premier se trouve dans le plan vertical sur l'axe du chien, et est percé de 6 trous. Ces trous engagent un plot à ressort qui se trouve monté sur la noix. Le second pignon est monté sur l'axe du barillet et est donc à angle droit avec le premier. Sa face avant comporte un plot qui s'engage dans un trou pratiqué dans la face arrière du barillet pour le faire tourner, comme sur les Colt Paterson.

Lorsqu'on arme le chien, le plot de la noix , engagé dans un des trous du premier pignon, entraîne celui-ci, qui à son tour fait tourner le barillet par l'entremise du second pignon. La came de blocage (pas visible sur les photos), constituée d'une barrette traversant horizontalement le bouclier, est entraînée une fraction de seconde par la noix puis se dissocie d'elle et vient engager un des trous forés sur la face arrière du barillet pour le bloquer en position.

Lorsqu'on presse la détente, le chien s'abat et entraîne la noix vers l'avant. Le plot s'échappe facilement du trou grâce au fraisage de celui-ci sur un des côtés, puis s'engage dans le trou suivant et ainsi de suite.

Bien que précis et ingénieux, le système d'Edwin Wesson est affligé de défauts rédhibitoires qui aideront à sonner le glas de cette arme déjà dépassée au moment de son apparition:

Outre l'usure rapide et l'encrassement facile des pignons, le système présente un net désavantage en ceci qu'il oblige au démontage du barillet pour le chargement et le placement des capsules sur les cheminées. En effet, les pignons restant toujours "en prise", il n'est pas possible de tourner le cylindre librement au demi-armé, ce qui rend le chargement impossible. Le cran de demi-armé ne peut donc servir que de sécurité de transport. On était donc soit obligé de chercher un abri pour une opération de rechargement fastidieuse, soit de prévoir quelques barillets de rechange.

Ce handicap aurait suffi à faire refuser cette arme par l'armée.

Ce revolver n'a pas pu s'imposer sur un marché déjà conquis par un Colt alors au sommet de sa puissance avec son Pocket 1849 et son Navy 1851, tous deux sortis en 1850. Moins de mille exemplaires furent produits et vendus sur le marché civil. Le revolver pouvait être livré avec des longueurs de canon différentes.

Il a dû malgré tout remporter un certain succès chez ses utilisateurs, comme en témoigne l'état d'usure de la plupart des exemplaires ayant survécu. L'exemplaire présenté ici proviendrait de la collection de l'acteur décédé Gregory Peck et se trouve dans un état de conservation très rarement rencontré.

C'est en travaillant sur de telles armes que Daniel Wesson a fait son apprentissage avant de créer, avec Horace Smith, une des fabriques d'armes les plus célèbres au monde.

Marcel

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