LE REVOLVER WHITNEY & BEALS "WALKING BEAM"
Ce curieux petit revolver a été inventé et breveté en 1854 par Fordyce Beals (armurier de génie qui sera 3 ans plus tard le père de toute la lignée des excellents revolvers à percussion fabriqués par Remington), et produit en 3 versions par le prolifique Eli Whitney, qui le commercialisera de 1854 à la fin des années 1860.
Le premier modèle (50 exemplaires) avait un bâti en laiton et était au calibre 31.
Le second modèle, identique au premier mais avec un bâti en fer, sera fabriqué à 2.300 exemplaires environ.
Le troisième modèle (celui présenté ici) a un bâti en fer également mais est au calibre .28 et a été fabriqué à environ 850 exemplaires. Le modèle standard a un barillet à 6 coups, mais il en existe quelques-uns équipés d'un barillet à 7 coups.
Beaucoup des très rares exemplaires rencontrés aujourd'hui sont chambrés pour les cartouches métalliques, mais l'exemplaire présenté est encore une arme à percussion devenue si possible encore plus rare.
Le surnom de "Walking Beam" - litteralement "cardan ambulant" - provient de la ressemblance du mécanisme de rotation du barillet avec les cardans d'entraînement des roues à aubes des bateaux à vapeur de l'époque.
Au début des années 1850, et suite au retentissant procès gagné par Colt sur la Massachussetts Arms Co, tous les armuriers qui s'engagent dans le domaine du revolver font très attention à ne commettre aucune violation du maître-brevet de l'irascible petit colonel, lequel se trouve à ce moment au faîte de sa puissance commerciale.
Dans cette arme, la rotation du barillet est totalement indépendante de l'armement du chien, ce qui, ici encore, amènera les puristes à lui refuser le nom de "revolver", parce que non conforme au maître-brevet de Colt.
Les cheminées sont intégrales et placées horizontalement dans des cuvettes individuelles sur la face arrière du barillet.
Le revolver ne fonctionne qu'en simple action, le chien doit être armé avec le pouce. Il possède un cran de demi-armé pour la sécurité de transport.
La détente-anneau n'a aucun ressort de rappel. Sa partie haute, montée dans un carter masquant la plus grande partie du côté gauche de l'arme, comporte deux branches latérales dont l'extrémité en crochet vient s'engager dans les crans de rotation creusés sur le pourtour du barillet, tant à l'avant qu'à l'arrière. Poussée en-avant, la détente-anneau fait tourner le barillet d'un douzième de tour; ramenée en-arrière, elle amène une chambre en face du canon. Dans cette position, la détente sert également de came de blocage du barillet.
Pressée un rien de plus, la détente vient s'appuyer contre une excroissance du levier de gâchette, laquelle est sortie du bâti lors de l'armement du chien, l'enfonce et libère ainsi le chien, qui peut s'abattre et faire partir le coup.
Le maniement de l'arme est lent et malaisé: non seulement il est nécessaire de démonter le barillet pour le chargement, mais la crosse trop courte offre une piètre prise en main. L'anneau assez petit de la détente n'accepte pas les gros doigts boudinés, et le système de rotation du barillet rend la cadence de tir très lente. Il est très difficile de manoeuvrer chien et détente d'une seule main. Enfin, le calibre .28 à poudre noire à une puissance d'arrêt dérisoire.
Cette arme est donc surtout destinée à donner à son propriétaire un "sentiment de sécurité".
Mais il n'empêche que le Walking Beam, devenu très rare de nos jours, est l'un des plus curieux revolvers américains de la période de la percussion, et un bel exemple de contournement du maître-brevet de Colt.
Marcel