Les pistolets Smith & Wesson Single Shot Target 1891

(1st & 2nd  model)

 

En 1891, la firme Smith & Wesson dispose dans son catalogue d’un revolver de 5 coups en calibre 38 fonctionnant en simple action. Cette arme est la dernière de la lignée des S&W "Single Action". Bien que robuste et fiable, ce petit revolver souffre de cette caractéristique déjà dépassée à l’époque.

  

 

Afin d’en écouler les stocks, la firme S&W s’engage dans une démarche audacieuse et originale consistant à décliner son revolver en un pistolet Single Shot Target, en produisant des canons mono-coups adaptables en calibres 38, 32 et principalement 22 LR. Outre l’intérêt potentiel de renouveler la demande en carcasses de son revolver 38 SA, cette approche positionne S&W sur le marché des pistolets de tir de précision en concurrençant directement sur le marché américain les firmes Stevens et dans une moindre mesure Remington, jusque-là dominantes dans ce domaine. La photo suivant montre des modèles typiques de ces marques qui restent distribués au début du 20ème siècle.

 

 

La commercialisation effective ne débute qu’en 1893. Le système se présente comme un « kit » dont le propriétaire peut adapter les différentes pièces selon l’usage auquel il destine l’arme. Ci-dessous un rarissime et superbe ensemble en coffret :

 

 

De nombreuses variantes sont proposées : poignée Standard ou Target (allongée pour favoriser la prise en main), organes de visée variés (guidons et mires), canons de longueurs différentes (10, 8 ou 6 pouces, cette dernière longueur étant de loin la plus rare) et de plusieurs calibres (38, 32 et 22LR), finition bronzée ou nickelée, cette dernière restant moins fréquente.

 

 

Le premier modèle conserve les caractéristiques permettant sa transformation en revolver, à savoir les boucliers et les organes de blocage du barillet.

 

 

L’éjection se réalise par brisure du canon, à l’instar du revolver, comme visible sur la photo suivante, où l’on distingue bien le bouclier de barillet.

 

 

Les poignées Target se rencontrent soit en noyer quadrillé, avec ou sans monogramme doré S&W, soit en matière synthétique.

 

 

La bande du canon porte soit les marquages des brevets, avec la mention « Model of 91 », ou simplement la mention du fabricant.

 

 

Les autres marquages typiques consistent en le logo S&W sur la carcasse et l’indication du calibre sur le bloc canon.

 

 

Dans le cas des armes directement conçues pour l’adaptation en pistolet Single Shot Target, le numéro de série est marqué sur l’avant de la poignée pour rester visible avec les plaquettes de type Target, alors qu’il est situé sur le talon de la poignée pour les revolvers.

 

 

Distribué de 1893 à 1905, les chiffres de production du premier modèle ne sont pas connus avec précision. Selon les sources, la fourchette s’établit de 1250 à 1500 unités, le numéro de série étant compris entre 1 et 28107. En effet, la numérotation des Single Shot Target n’est pas distincte de celle des revolvers proprement dit.

 

À partir de 1905, S&W modifie son approche en abandonnant le concept d’une arme modulable. Les nouveaux pistolets Single Shot Target deuxième modèle ne sont plus transformables en revolver. En effet, S&W supprime sur la carcasse du modèle 1891 les organes nécessaires à cette transformation, c’est-à-dire les boucliers, l’élévateur et l’arrêtoir de barillet. Les nouveaux pistolets sont immédiatement reconnaissables par la présence de gouttières en lieu et place des boucliers de barillet. Néanmoins, les canons des deux générations restent parfaitement interchangeables, et il est fréquent de rencontrer des deuxièmes modèles montés d’un canon porteur de la mention « Model of 91 ».

 

 

 

Le 2nd model sera produit de 1905 à 1909 à un peu plus de 4600 exemplaires, le dernier numéro de série connu étant le 4617, la presque totalité étant conçue pour le calibre 22LR afin d’en doter les tireurs sportifs.

 

En 1909, le stock de carcasses du modèle 1891 simple action étant épuisé, S&W relance son concept avec le Single Shot Target 3rd model, lequel est bâti à partir de la carcasse du nouveau revolver à double action, le « Perfected Model ». Comme pour le 2nd type, la transformation du pistolet Single Shot en revolver est impossible. De plus il n’y a plus aucune compatibilité des pièces de ce pistolet avec les premiers et seconds types décrits précédemment. Produit à près de 7000 exemplaires, le troisième modèle est aisément identifiable par ses dimensions plus généreuses et le pontet usiné dans la masse plutôt que vissé comme dans les deux modèles antérieurs. On notera que, de façon amusante, ce pistolet est doté à l’origine de la double action, particularité d’un intérêt douteux pour une arme à un coup…

 

 

Ce modèle conclut la lignée des pistolets de tir de précision conçus à partir de carcasses de revolver. On notera cependant que S&W produira à partir de 1925 un nouveau pistolet Single Shot en calibre 22LR, dénommé « Straight Line », qui prendra l’allure d’un pistolet semi-automatique plutôt que d’un revolver comme ses prédécesseurs.

 

 

De nombreux trophées jalonnent la carrière des S&W Single Shot Target, notamment par l’entremise de l’équipe de tir des USA dans les années 1910.

 

 

Encore aujourd’hui, le tireur sportif peut réaliser de remarquables scores avec cette lignée pistolets, après cependant s’être acclimaté aux organes de visée d’une autre époque et à une légèreté inhabituelle par rapport aux armes de tir modernes (entre 700 et 800 grammes selon le modèle et la longueur de canon).

 

 

Pour en savoir plus :

 

Ces pistolets sont succinctement décrits dans de nombreux ouvrages en anglais consacrés à la firme Smith & Wesson, par exemple le « Standard Catalog of Smith & Wesson » de Jim Supica et Richard Nahas.

 

Le lecteur francophone dispose de remarquables et complètes études publiées dans La Gazette des Armes, où sont compilées de nombreuses informations et anecdotes :

 

Par Jean-Pierre Bastié, N° 249, pages 21-23.

Par Luc Guillou, N° 476, pages 44-49.

Par Luc Guillou, N°479, pages 54-57 (article consacré au « 4th model Straight Line »).

 

Jean-Christophe Plaquevent

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