Mesures anciennes
LES LOIS FONDATRICES DES MESURES REPUBLICAINES
"Le nouveau système des poids et mesures, fondé sur la mesure du méridien de la terre et la division décimale, servira uniformément dans toute la France" Loi du 1er août 1793
" Les nouvelles mesures seront distinguées dorénavant par le surnom de républicaines ; leur nomenclature est définitivement adoptée comme il suit :
On appellera mètre la mesure de longueur égale à la dix millionième partie de l’arc du méridien terrestre compris entre le pôle boréal et l’équateur,
Are, la mesure de superficie pour les terrains, égale à un carré de dix mètres de côté.
Stère, la mesure destinée particulièrement aux bois et qui sera égale à un mètre cube.
Litre, la mesure de capacité tant pour les liquides que pour les matières sèches, dont la contenance sera celle du cube de la dixième partie du mètre.
Gramme, le poids absolu d’un volume d’eau pure, égale au cube de la centième partie de mètre et à la température de la glace fondante"
Loi du 18 germinal an 3 (7 avril 1795), Art. 5
" La fixation provisoire de la longueur du mètre, à trois pieds onze lignes quarante-quatre centièmes, ordonnée par la loi des 1er août 1793 et 18 germinal an 3, demeure révoquée et comme non avenue. Ladite longueur formant la dix millionième partie de l’arc du méridien terrestre, compris entre le pôle boréal et l’équateur, est définitivement fixée dans son rapport avec les anciennes mesures à trois pieds onze lignes deux cent quatre vingt seize millièmes. "
Loi du 19 frimaire an 8 (10 décembre 1799) Art. 1er
Il fallut donc, à l’arrivée du système métrique, convertir les anciennes mesures. L’Ancien Régime était caractérisé par la diversité de celles-ci et par leurs valeurs différentes d’un endroit à un autre. La conversion ne pouvait donc pas être nationale. Le début du XIXème siècle vit fleurir les traités de métrologie. C. Best, expert géomètre, publie en 1838 "Métrologie de la Haute-Loire". La conversion des anciennes mesures en nouvelles est faite canton par canton. C’est cet ouvrage qui sert de base aux pages suivantes. (Les mesures sont donc celles courantes à la fin de l’Ancien Régime).
Un historique du METRE par Denis FEVRIER
1 - Les anciennes mesures de France
Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, les mesures étaient d'une extrême diversité. Des mesures de même nature et de valeurs voisines avaient des appellations différentes selon les provinces, voire les villes ou les villages d'une même région. A l'inverse, le contenu physique de mesures de même nom différait en général selon les lieux et aussi selon la corporation intéressée ou l'objet mesuré.
Une certaine uniformité avait régné au début de l'ère chrétienne, lorsque le pied et la livre de Rome se sont largement répandus en Europe. Mais l'extrême morcellement du territoire devenu depuis, la France, où le pouvoir était alors partagé entre un nombre considérable de seigneurs et de villes, a favorisé une évolution "en vase clos" des noms et des valeurs des mesures.
Il s'était ainsi formé, au sein de chaque groupe humain, collectivité territoriale ou corporative, un système de mesures approprié aux besoins du groupe, système souvent homogène si on se plaçait du seul point de vue du lieu ou du métier. Néanmoins, l'ensemble des mesures alors en usage en France peut être considéré comme un "chaos" informe.
De nombreux projets d'unification se heurtèrent ainsi aux résistances locales : Charles le chauve (Edit de Pitres en 864), Louis le Hutin, Philippe le Long, Edits de François 1er sur l'aunage en 1540-1545, d'Henri II en 1557, " Suppliques des Etats généraux " en 1560, 1576, 1614, projets de Henri IV, puis de Colbert, tentatives de Laverdy en 1764, de Trudaine, de Marigny en 1766.
Les noms des anciennes mesures étaient, dans toutes leurs variantes, souvent très imagés, et attachés soit aux dimensions de l'homme (pied, pouce,...), soit à ses aptitudes (journal : étendue de terre travaillée en un jour, galopin : quantité (variable !) de vin que l'on peut boire pendant un repas ...) ou à des facteurs naturels (picotin : ration d'un cheval (3,2 L d'avoine),...)
Quoiqu'il en soit, au XVIIIème siècle, la multiplicité des mesures n'ayant entre elles aucun facteur commun était extrêmement gênante, notamment dans les activités administratives, commerciales et scientifiques.
Jusqu'en 1776, l'étalon prototype royal de longueur était "la Toise du Châtelet" fixé à l'extérieur du Grand Châtelet, détruit en 1802. Pour les Poids, l'étalon était la pile, dite de Charlemagne, fabriquée vers le dernier tiers du XVième siècle à partir d'étalons remontant à Charlemagne suivant la légende, composée de 13 godets pesant en tout 50 marcs ou 25 livres. Cette pile est conservée au musée des arts et métiers à Paris.
L'étalon primitif, qui aurait daté de Charlemagne (?), s'était trouvé déformé au cours du premiers tiers du XVIIème siècle par un affaissement du pilier qui le portait ; il a été remplacé en 1668 par un nouvel étalon, qu'on fit d'ailleurs de 5 lignes (11 mm) plus court que le précédent afin de corriger la déformation de celui-ci. La nouvelle Toise du Châtelet était, comme la précédente, constituée par une barre de fer, terminée par deux redans dont la distance déterminait la longueur de la Toise.
C'est sur cet étalon de 1668, que furent ajustées en 1735 deux toises (fabriquées par C.Langlois, ingénieur du Roi pour les instruments d'astronomie) utilisées pour la mesure d'arcs de méridien, l'une employée à l'équateur (de 1736 à 1744) par Pierre Bouguer, Louis Godin, Charles-Marie de La Condamine, appelée plus tard toise du Pérou, l'autre employée en Laponie (de 1736 à 1738) par Pierre-Louis de Maupertuis, Alexis Clairaut, Charles Camus, Pierre - Charles Le Monnier, l'abbé Reginald Outhier, dénommée plus tard, toise du Nord. Cependant, la Toise du Châtelet, ne méritait pas une grande confiance car sa fabrication avait été assez rudimentaire, et elle était exposée aux chocs et à l'usure. Aussi, La Condamine proposa en 1747 d'adopter comme étalon prototype la Toise du Pérou (déposée au cabinet de l'Académie des Sciences au Louvre, puis conservée à l'Observatoire de Paris).
Le 16 mai 1766, Louis XV approuva cette proposition et chargea Tillet de l'Académie des Sciences, de faire exécuter 80 copies de cette toise, devenue Toise de l'Académie pour être envoyées aux procureurs généraux des Parlements.
C'est la longueur déterminée par la Toise de l'Académie qui a été utilisée pour définir le mètre provisoire en 1795 et le mètre définitif en 1799.
Rappelons que pour vérifier une mesure (de longueur), on l'introduisait entre les talons (de l'étalon), dont on usait lentement les faces internes. Il en résultait un allongement progressif de la distance séparant ces faces, c'est à dire de l'étalon lui-même. Cet allongement avait incité les savants à chercher un étalon dans la Nature : ainsi serait-il possible d'en retrouver en permanence et sans difficulté la valeur. Ils refusaient donc la solution que plusieurs rois (Philippe Le Bel, Philippe Le Long, Louis XI, Louis XII, François Ier, Henri II, Louis XIV) et conseillers de la Couronne avaient, en vain, tenté de faire appliquer : rendre les unités de Paris obligatoires sur la totalité du pays. Parmi les précurseurs, peuvent être cités :
Simon Stévin ( inspecteur des digues au Pays-Bas) qui en 1585, exposa dans "la Disme" les avantages de la subdivision décimale des unités.
L'abbé Jean Picard (1620-1682), qui participa à la restauration de la toise du Châtelet en 1668, mesura par triangulation l'arc de méridien séparant Sourdon au sud d'Amiens de Malvoisine au sud de Paris, et proposa de prendre comme étalon la longueur du pendule battant la seconde.
L'abbé Gabriel Mouton (1618-1694) qui suggéra en 1670 d'adopter comme unité de longueur la virga, millième partie de l'arc du méridien correspondant à une minute.
Tito Livio Burattini (savant Italien), qui appelle "metro cattolico" (in Misura Universale, 1675) la longueur du pendule battant la seconde, donnant ainsi, bien avant Borda, le nom de "mètre" à une unité.